Partager
Cet article prend la suite de Taux de profit et composition organique du capital des GAFAM, dans un souci de cohérence nous vous conseillons vivement de le parcourir avant de débuter la lecture de celui-ci. Notre analyse statistique des GAFAM depuis la crise de 2008 nous indique que la loi de la baisse tendancielle du taux de profit semble se trouver toujours opérante. Même si pour ces entreprises le profit n’est plus la source principale de l’accumulation de capital, il n’en demeure pas moins un indicateur central indispensable pour permettre la captation de capital monétaire fictif. Un taux de profit élevé rassure les investisseurs et attire les capitaux boursiers. En ce sens, mettre en place des contre-tendances ralentissant cette baisse du taux de profit reste indispensable aussi bien pour ces entreprises à forte capitalisation boursière que pour n’importe quelle société non cotée en bourse. Examiner en détail comment sont appliquées ces contres-tendances explique nombre de leurs comportements économiques. De plus cela permet de se rendre compte que posséder une capitalisation boursière importante autorise l’utilisation d’un plus large éventail de possibilité de contre-tendances par l’entreprise.

Les contre-tendances classiques à la baisse du taux de profit
Avec ce terme, nous faisons référence aux « influences contraires » à la baisse tendancielle du taux de profit brièvement détaillées par K. Marx dans le Livre III du capital[1]. Voyons quelle forme elles prennent au sein des GAFAM.
Intensité croissante de l’exploitation du travail & Abaissement des salaires
C’est le moyen le plus communément utilisé pour contrebalancer la baisse tendancielle du taux de profit : augmenter la plus-value extraite du travail de chaque salarié en augmentant la productivité ou en baissant le prix du salaire de ses employés en dessous de la valeur de leur force de travail. Les GAFAM regroupant des centaines d’emplois très différents, il est difficile de rentrer dans les détails pour chacun d’entre eux, relativement à l’augmentation des cadences ou aux baisses des salaires. Il est néanmoins possible de jeter un coup d’œil aux évolutions imposées ces dernières années au personnel du plus gros employeur des GAFAM : Amazon. La gestion des travailleurs d’Amazon est sûrement la plus documentée car elle est la plus innovante dans l’extraction maximale de la plus-value du travail de ses salariés. Des oreillettes guident et orientent les actions des manutentionnaires pour optimiser leur productivité horaire tandis que des bracelets connectés monitorent l’ensemble de leurs gestes[2]. Dans un premier temps, il a même été question que ces bracelets puissent donner de légères impulsions ultrasoniques pour guider ou sanctionner les actions jugées trop lentes, Amazon en a déposé le brevet, mais n’est pas encore parvenue à l’imposer dans ses entrepôts. Cette entreprise a également développé des « jeux vidéo » pour booster la productivité de ses salariés et masquer l’aliénation produite par un travail répétitif et extrêmement directif[3].
Au niveau du management, l’entreprise de Jeff Bezos a également mis en place des concours de délation : les employés dénonçant leurs collègues manquant aux règles de sécurité pouvaient ainsi recevoir une récompense. Cette société a aussi mis en place des algorithmes pour licencier de manière automatisée les employés jugés insuffisamment productifs[4]. L’automatisation de la production par un recours accru à la robotisation des entrepôts a également permis d’augmenter la productivité. Un seul ouvrier suffit désormais pour contrôler la production de dizaines de robots d’emballage. Pour ses livraisons, Amazon a également recours de manière massive à des employés en sous-traitance travaillant sous des statuts auto-entrepreneuriaux. Les possibilités varient selon la législation des pays, mais cela permet de limiter au maximum le coût des « charges sociales » pour l’entreprise et donc de baisser les salaires, ces charges sociales étant du salaire indirect. L’entreprise tente également de développer l’utilisation de drone pour effectuer le dernier kilomètre de livraison.
Même si ces investissements participent à augmenter le capital constant de l’entreprise, la croissance d’Amazon et son développement sur de nouveaux marchés compensent pour l’instant ce problème en augmentant suffisamment le besoin de main d’œuvre humaine[5]. L’ensemble de ces techniques de production quant à elles maximise la plus-value relative extraite sur chaque salarié. C’est-à-dire la plus-value produite par le raccourcissement du temps de travail nécessaire à la production d’une marchandise.
De leur côté, ayant un besoin important d’employés très qualifiés, Google et Facebook ont misé sur d’autres systèmes. Ces sociétés ont mis en place toute une panoplie de services accessibles « gratuitement » à leurs employés. Allant de la salle de sport, à la blanchisserie, du restaurant self-service au service de réparation de vélo, tout est mis en place pour que le salarié reste un maximum de temps sur son lieu de travail. Ainsi les journées de travail sont allongées jusqu’à leur limite physique pour maximiser l’extraction de la plus-value absolue. C’est-à-dire « la plus-value produite par allongement de la journée de travail »[6]. Mais ce type de management permet également de contrôler la vie et la sociabilité des salariés qui se résument à celles qui se trouvent dans leur travail. Moins de soirées passées au bar et plus au bureau. Google réalise sur ses travailleurs intellectuels ce que le paternalisme industriel tentait de faire avec ses ouvriers d’usine à la fin du XIXe siècle[7].
Ces deux styles de management et d’automatisation de la production ont le même effet : celui de maximiser l’extraction de la plus-value et de contrebalancer temporairement la baisse du taux de profit. Le problème, c’est la pression énorme que subissent les salariés de ces entreprises. Dans le cas d’Amazon comme celui de Google, le turn-over en leur sein est extrêmement important. Pour l’ensemble des entreprises des GAFAM et des NATU, les employés ne restent en moyenne que 1,8 année[8] avant de quitter l’entreprise.
Diminution des prix des éléments du capital constant
Un autre moyen de compenser cette contradiction est de faire baisser la valeur du capital constant. En effet, le taux de profit augmente mécaniquement, tout comme la composition organique du capital baisse, si la valeur du capital constant diminue. Pour cela, il n’est pas nécessaire de fermer des usines, détruire ses machines ou ses matières premières (même si ce genre d’extrémités peuvent arriver), car le capital constant a tendance à se dévaluer de lui-même au fur et à mesure du temps. Cette dynamique se déroule de deux manières :
Tout d’abord par la modernisation de la production. Lorsque Amazon développe des robots automatisés de préparation de commande, la production des premières de ces machines coûte cher et ajoute une valeur conséquente au capital constant. Par la suite, si Amazon standardise, généralise et produit ses robots en série pour l’ensemble de ses entrepôts sur la planète, leur coût de fabrication tout autant que leur valeur diminue. Investir dans les mêmes machines ajoute moins de capital constant qu’auparavant et la valeur des robots déjà en possession de l’usine est dévaluée.
Le capital fixe diminue également par son amortissement progressif. En effet, au fur et à mesure que les machines, les locaux ou le matériel sont utilisés, ils perdent en valeur par leurs usures et par la valeur qu’ils transmettent aux marchandises produites. Cela se traduit en comptabilité par l’amortissement du capital fixe. Lors du bilan comptable, on retire chaque année une partie de la valeur du capital fixe jusqu’à ce qu’il soit considéré qu’il ne vaille plus rien. Il faut par exemple 20 ans pour amortir la valeur d’un bâtiment industriel, 3 ans pour sa peinture, 5 ans pour un photocopieur, 3 ans pour un ordinateur et de 1 à 3 ans pour un logiciel. Après cette période d’amortissement, ces moyens de production sont considérés comme n’ayant plus aucune valeur et ne sont donc plus comptés dans le capital constant de l’entreprise. Pourtant, s’ils sont en état de fonctionner, rien n’empêche la société de continuer à les employer pour produire ses marchandises. Les premiers locaux que Microsoft construits à Redmond en 1986 peuvent être utilisés alors que leur valeur n’est plus comprise dans le capital constant de l’entreprise depuis plusieurs années, seul celui des travaux récents pour les moderniser continue à l’être.
Il convient de ne pas sous-estimer cette dynamique de dévaluation du capital constant qui a une véritable influence sur le taux de profit. C’est particulièrement notable chez les entreprises les plus anciennes. En regardant les bilans comptables, on se rend par exemple compte que le capital constant total d’Apple est en baisse depuis 2017, passant de 406 à 317 milliards de dollars en trois ans. L’entreprise ne cesse pas d’investir dans son capital constant, mais elle le fait à un rythme moins rapide que le capital déjà existant ne met pour se dévaluer.
Les contre-tendances spécifiques liées à la profusion de capital fictif
À ces influences contraires partagées par l’ensemble des autres entreprises capitalistes, il est nécessaire d’ajouter, pour les sociétés à forte capitalisation boursières, plusieurs autres moyens leur permettant de contrebalancer la baisse du taux de profit[9].
La fusion acquisition pour augmenter son taux de profit
Nous avons largement détaillé le fonctionnement de ce processus dans l’épisode précédent de notre série : Analyse marxiste de la capitalisation boursière des GAFAM que nous vous invitons à lire. Les entreprises cotées à forte capitalisation boursière peuvent produire de nouvelles actions pour acheter d’autres sociétés plus modestes et les intégrer à leur structure. Ce faisant elles intègrent à la fois leurs profits, mais aussi leur capital. Rappelons que depuis 2001, Google a ainsi racheté au moins 238 entreprises, Amazon 102 ; que Facebook en a acquis au moins 87 depuis 2005, tandis que Microsoft en est à plus de 276 depuis 1994 et Apple 164 depuis 1994. La plupart des entreprises rachetées sont de jeunes start-up qui sont encore dans leur première phase d’expansion ; La composition organique de leur capital est généralement plutôt faible et lorsqu’elles se retrouvent rachetées par une multinationale qui absorbe leur capital, la part de capital variable avalée est plus importante que celle du capital constant.Ainsi cela permet à la société acheteuse, en plus de récupérer les profits annuels de l’entreprise acquise, d’alléger la composition organique de son capital est ainsi de contrebalancer la baisse de son taux de profit.
Ce procédé est plus efficace pour les jeunes entreprises à forte capitalisation boursière. En effet, dans le cas des sociétés plus anciennes, à force d’années d’accumulation et de nombreuses fusions-acquisitions, leur capital devient tellement important que racheter une entreprise à une influence moindre sur leur composition. Ainsi, s’agissant d’Apple et Microsoft et au vu de la proportion considérable qu’occupe le capital constant dans ces entreprises après plusieurs décennies d’accumulation, le rachat d’un grand nombre de start-up semble ne plus suffire à rétablir leur taux de profit contrairement à des multinationales plus jeunes comme Facebook.
En revanche, si ce processus permet d’aider au rétablissement du taux de profit d’une entreprise particulière, cela ne modifie pas pour autant le taux général du profit. En effet, le taux de profit moyen produit par l’ensemble des capitaux engagés dans l’économie, tous secteurs confondus, ne change pas puisque le profit ne fait que passer d’une entreprise à une autre. Mais bien évidemment, peu importe pour l’entreprise qui vient d’en avaler une autre, puisque la place qu’occupe la capitalisation boursière au sein de la production change la donne en profondeur. Le processus d’accumulation étant désormais centré autour de l’augmentation de la capitalisation boursière, le taux de profit n’est plus qu’un indicateur permettant à l’entreprise de rester attractive pour les investissements de capital monétaire fraichement créé. Ce rachat d’autres entreprises permet ainsi d’augmenter cet indicateur qui permet à la société à forte capitalisation boursière de décupler son accumulation de capital.
Le développement sur de nouveaux marchés : monopole et plus-value extra
Un autre moyen pour une entreprise de ralentir cette baisse du taux de profit est de développer son activité sur de nouveaux marchés. Pour cela, trois possibilités s’offrent à elle :
- S’accaparer le marché d’entreprises concurrentes ;
- Développer sa production et sa distribution dans d’autres régions du monde ;
- Elaborer de nouveaux produits et des nouvelles technologies.
Nous avons déjà vu comment les entreprises à fortes capitalisation boursière s’appropriaient le marché d’entreprises concurrentes grâce au principe de la fusion-acquisition. Par exemple, Google en 2006 s’est introduit par la grande porte sur le marché de l’hébergement de vidéos en ligne grâce au rachat de YouTube. Cette introduction lui a permis de se retrouver immédiatement dans une situation de monopole au sein de ce secteur d’activité.
Le développement du commerce extérieur est également une contre-tendance soulignée brièvement par K. Marx,[10] mais également par Rosa Luxemburg qui affirme :
Les nécessités historiques de la concurrence toujours plus acharnée du capital en quête de nouvelles régions d’accumulation dans le monde se transforme ainsi, pour le capital lui-même, en un champ d’accumulation privilégié[11].
Avoir recours au marché mondial pour bénéficier de matières premières et de main d’œuvre plus abordable est devenu la norme depuis plusieurs décennies. L’ensemble des entreprises en concurrence les unes les autres y ayant recours, l’amélioration du taux de profit liée à l’internationalisation de la production est aujourd’hui généralement faible. Le problème survient plutôt au niveau des entreprises qui n’y ont pas recours et s’avèrent par conséquent beaucoup moins compétitives par rapport aux autres, vendant ainsi nécessairement leurs produits plus chers.
En revanche, le développement de l’activité d’entreprises sur plusieurs continents, à l’instar des GAFAM, augmente considérablement leurs débouchés et leur production, ouvrant la porte à de conséquentes économies d’échelle. L’internationalisation de la production est dès lors plus un enjeu pour le développement de l’entreprise et de son capital que pour son taux de profit en soi.
Une autre des tendances majeures permettant l’amélioration du taux de profit est l’accaparement de nouveaux marchés par une entreprise. Lorsque nous parlons de nouveaux marchés, il est question ici de nouveau secteurs de production, voire de nouveaux champs d’accumulation[12]. Ces nouveaux secteurs émergent soit à travers la marchandisation liée à la création de nouvelles technologies et techniques créant ainsi de nouveaux besoins (par exemple la publicité sur les réseaux sociaux), soit par la marchandisation d’éléments qui ne l’étaient pas auparavant (par exemple : la marchandisation de l’espace par Tesla ou encore les sites payants pour rencontrer de nouveaux amis). Ces nouveaux marchés s’étendent ensuite progressivement de manière géographique au fur et à mesure que les entreprises pionnières dans la création de ces marchandises font de même. Ces nouveaux marchés sont à la fois de nouveaux champs d’accumulation et de nouveaux champs de débouchés. Les entreprises avant-gardistes dans un nouveau secteur de production se trouvent ainsi dans une position avantageuse leur permettant à la fois :
- D’être en situation de monopole le temps que d’autres concurrents émergent sur le marché et donc, durant cette période, de fixer les prix qu’elles souhaitent. Par exemple, Facebook est en situation d’imposer le prix et les modalités qu’il désire pour les publications sponsorisées qu’il vend à des annonceurs, personne n’étant à même de le concurrencer. Il maximise ainsi son taux de profit.
- De bénéficier d’avantages technologiques dans la production de ces marchandises nouvelles. L’ancienneté dont jouit la société pionnière dans un domaine lui laisse plus de cycles d’accumulation pour investir dans la modernisation de sa production, la conception de nouvelles machines ou l’amélioration de l’organisation de sa production. Elle en tire ce que l’on appelle une plus-value extra. C’est-à-dire une plus-value supplémentaire différentielle par rapport aux autres concurrents qui dure le temps qu’ils mettent à rattraper l’entreprise avantagée. Par exemple l’automatisation des entrepôts d’Amazon et la mécanisation de la main d’œuvre, même humaine, lui permettent de dégager une plus-value extra substantielle par rapport à ses concurrents.
Dès lors, maintenir ces avantages devient primordial pour les entreprises qui en bénéficient puisqu’ils contrebalancent temporairement la chute de leur taux de profit. Elles se retrouvent ainsi dans une course au monopole et à la plus-value extra rendus principalement possibles par l’augmentation de leur capitalisation boursière.
Elles maintiennent leur situation de monopole en tentant de faire l’acquisition de chaque entreprise opérant dans leur secteur de production qui pourrait leur faire concurrence. Elles restent ainsi maitresses de leur prix de vente, mais continuent également l’extraction de plus-value extra. Leurs concurrents n’ayant pas eu assez de temps pour se développer avant d’être rachetés et d’atteindre le même degré de rationalisation de la production, ils ne sont pas en mesure de rattraper leur retard technologique.
Restons sur l’exemple d’Amazon pour illustrer pratiquement notre propos. Cette entreprise a racheté Drugstore.com et pets.com en 1999, Shopbop en 2006 (vêtements en ligne), Abebooks en 2008 (livres anciens en ligne) Zappos en 2009 (chaussures en ligne), Woot et Quidsi en 2010 (vendeur de gadgets et de produits de beauté en ligne) ou encore Whole Food (chaine de magasin bio) et Souq.com (vendeur en ligne positionné sur les pays arabes) en 2017. Cette liste est loin d’être exhaustive et ces acquisitions ont permis à Amazon de maintenir et consolider son hégémonie sur le marché de la vente en ligne. Il s’agit ici pour elle de maintenir son statut de monopole.
D’un autre côté, Amazon a également acheté d’autres entreprises comme Kiva Système, Cancas Tech ainsi qu’une nuée de petites sociétés basées sur la conception d’Intelligences artificielles (comme BodyLabs en 2017) et sur l’élaboration d’interfaces Homme/machines (comme Yap en 2011). Cette stratégie empêche à la fois ses concurrents d’avoir accès aux mêmes avantages technologiques en matière de production, améliore la productivité de ses entrepôts maximisant ainsi l’extraction de plus-value extra et intègre ces technologies à des marchandises vendues (notamment en domotique avec Amazon Echo).
Enfin, les entreprises déjà en situation de monopole dans un secteur tentent également de le devenir dans de nouveaux secteurs prometteurs encore émergeant, là encore en rachetant de nombreuses start-up. La grande majorité de ces entreprises pionnières ne parviendront jamais à développer un secteur de marché suffisamment rentable et finiront par péricliter et être liquidées. Mais il suffit qu’un faible nombre y parviennent pour que l’ensemble des fusions-acquisitions s’avèrent profitables. Rappelons de plus que créer de nouvelles actions à hauteur de quelques millions de dollars pour racheter ces start-up ne coute absolument rien à l’entreprise acquéreuse, les risques demeurent donc minimes.
Amazon a par exemple racheté de nombreuses entreprises spécialisées dans le stockage de données et l’utilisation de services en ligne (Cloud)[13], devenant ainsi le leader mondial dans ce nouveau secteur de production jusqu’à obtenir la gestion du Cloud du Pentagone en 2013. Si les GAFAM se trouvent en situation de monopole dans leurs secteurs de production initiaux, c’est moins souvent le cas dans les nouveaux secteurs où ces entreprises se font concurrence entre elles en investissant dans les mêmes domaines. Ainsi en 2019, c’est Microsoft qui a récupéré le contrat de 10 milliards de dollars auparavant octroyé à Amazon pour la gestion du Cloud du Pentagone.
Ces influences contraires à la baisse du taux de profit ne sont pas strictement nouvelles, mais elles se retrouvent profondément modifiées par la profusion de capital fictif et la croissance exponentielle des capitalisations boursières. En effet, les fusions-acquisitions à la chaine ne sont rendues possibles que par le poids financier que représentent ces sociétés ainsi que sur une anticipation à la hausse du cours de leur action. Mais plus encore et comme nous l’avons vu dans l’exemple de Tesla, c’est même cette pléthore d’investissements venant des marchés financiers qui permet le financement de la recherche nécessaire à l’émergence de ces nouveaux secteurs de production.
Le système des offres publiques de rachat d’action (OPRA) un mécanisme d’augmentation artificiel du prix des actions
Dans ce cadre, l’augmentation continue du cours de l’action de ces sociétés devient un enjeu central. En effet, cela facilite la mise en place des contre-tendances que nous venons de spécifier dans la perspective du rétablissement du taux de profit. Dans un second temps, la publication de bons résultats conduit généralement à l’augmentation du cours de leur action les entrainant ainsi dans un cycle positif d’accumulation de capital.
Cette hausse de la valeur des actions peut même, dans une certaine limite, être entretenue artificiellement. En effet, il est possible pour une société qui possède des liquidités, d’utiliser une partie de son capital monétaire pour racheter ses propres actions puis les détruire, faisant ainsi mécaniquement monter leur cours. C’est ce que l’on appelle une Offre Publique de Rachat d’Action (OPRA).
Depuis de nombreuses années, Apple et Microsoft ont recours de manière massive à cette pratique. Le nombre d’actions Apple en circulation est ainsi passé de 26,5 milliards en 2012 à seulement 17,5 milliards en 2020. Pour Microsoft cette dynamique est plus ancienne et progressive puisqu’il existait 10,5 milliards d’actions de la firme en 2006 contre 7,6 milliards en 2020. Ces stratégies de rachats d’actions de leur propre société ont couté des sommes considérables et englouti une grande partie des profits, voire même des fonds propres de ces deux entreprises sur ces dernières années. Pour donner une idée de l’ampleur du phénomène, l’ensemble des entreprises regroupées dans le S&P 500, dont les GAFAM font partie, a dépensé rien qu’en 2018 pour plus de 939 milliards de dollars en rachat de leurs propres actions[14].
Pourquoi Apple a-t-elle utilisé plusieurs centaines de milliards de dollars pour racheter ses propres titres au cours des dernières années ? Comment ce processus fonctionne-t-il ? Quelle influence cela a-t-il sur le taux de profit ? La place qu’occupe actuellement cette pratique au sein des marchés financier mérite que l’on se penche avec attention sur ces questions.
À quoi sert de racheter ses propres actions ?
Pour comprendre, rentrons dans notre exemple en détail. Une entreprise cotée comme Apple, possédant une forte capitalisation boursière, a besoin que le cours de son action continue de croitre pour rester attractive envers les investisseurs. L’entreprise fonctionne bien et dégage des profits records qu’elle réinvestit dans son développement. Mais au fur et à mesure des années, elle voit son taux de profit décliner. Rapidement les investisseurs financiers risquent de lui préférer d’autres entreprises plus récentes, jouissant d’un taux de profit plus élevé ou encore d’un potentiel de croissance plus fort. Pour ces derniers, les dividendes issus du profit de l’entreprise qu’ils vont percevoir ne sont qu’une partie des intérêts qu’ils escomptent récupérer. Ils s’attendent à obtenir la majorité de leurs gains grâce à la revente à un meilleur prix de ces actions. Mais cette augmentation attendue est conditionnée à l’engouement du marché, donc des autres investisseurs, pour ce titre, engouement qui reste lié aux potentialités de développement de l’activité économique de l’entreprise, ainsi qu’à son taux de profit.
Dans le cas d’Apple, l’entreprise est déjà bien établie dans les quatre parties du monde et a déjà largement investi dans la modernisation de sa production pour améliorer sa productivité. En conséquence, son potentiel de croissance semble limité. Même si elle continue à racheter de jeunes start-up, cela ne suffit plus à redynamiser le colosse qu’elle est devenue. De plus, comme on a pu le voir précédemment, son taux de profit subit une tendance à la baisse à cause de l’alourdissement de son capital.
Dans ce type de cas, fréquents, il devient utile pour ces entreprises de procéder à des offres publiques de rachat d’action. Le principe pour elles est d’utiliser leur capital-argent pour racheter leurs propres actions disponibles sur le marché et pour ensuite les annuler. Ce faisant, le cours de l’action croit mécaniquement puisque à la fois la demande de titres de la société augmente, mais aussi parce que la valeur de cette même entreprise est dès lors divisée en un nombre moins important d’actions. Si le taux de profit réel de l’entreprise n’est pas modifié, cela permet tout de même d’augmenter le bénéfice par action récupéré par les actionnaires. En effet après une OPRA, le profit annuel de l’entreprise se trouve réparti sur un moins grand nombre d’actions en circulation, donc le dividende augmente sans que le bénéfice ait besoin de croitre. Ainsi l’action devient artificiellement plus attractive pour les investisseurs.
A l’instar des dividendes, une offre publique de rachat d’actions est également un moyen pour l’entreprise de rémunérer ses investisseurs en distribuant ses liquidités. En effet, la société utilise directement ses fonds propres pour les donner à ses actionnaires en échange d’une partie de leurs actions. Il ne s’agit ni plus ni moins que d’une distribution sur les marchés financier de la plus-value de l’exercice en cours et des exercices précédents. Ce mécanisme peut ainsi donner un coup de pouce au cours de l’action, mais il n’est intéressant pour l’entreprise cotée que si cela rétablit la confiance des investisseurs et permet de capter encore plus de capitaux fictifs. Il est nécessaire que la perte de capitalisation boursière provoquée par la destruction de ces actions parvienne à être compensée par l’arrivée de nouveaux investisseurs achetant les actions revalorisées de l’entreprise.
Quelles conséquences sur l’entreprise ?
D’un autre côté, cette pratique financière a tendance à utiliser la plus grande partie des profits générés, limitant ainsi les possibilités de réinvestissements de l’entreprise dans sa propre production (machines et main d’œuvre). C’est notamment le cas d’Apple qui n’a investi que très peu dans sa production ces dernières années, la valeur de son capital constant étant d’ailleurs en baisse depuis 2017.
Alors que le dividende n’est qu’un intéressement au profit annuel d’une entreprise, des campagnes successives d’OPRA permettent à une entreprise de distribuer ses fonds propres pour contrebalancer des profits trop faibles[15]. Elle se retrouve ainsi à utiliser ce qu’elle a accumulé lors des années d’exploitation précédentes pour racheter ses actions en espérant que cela permettra au cours de son action de continuer à grimper. Les fonds propres d’Apple ont par exemple tendance à fondre comme neige au soleil passant de 140 milliards en 2017 à 65 milliards fin 2020. On se retrouve ainsi parfois avec des entreprises décidant de se vendre à la découpe sur les marchés pour permettre la remontée des cours de leur titre. Il est aussi possible pour elles d’emprunter de l’argent pour racheter leurs propres actions et les annuler. L’entreprise contracte alors des dettes pour littéralement détruire l’argent qu’on lui prête. Elles sont alors prises dans un engrenage révélateur de la précarité de ce fonctionnement économique.
C’est par exemple ce que se trouve contraint de faire IBM depuis près de 20 ans. Cette entreprise historique ayant entre autres participé à inventer le PC, le disque dur ou le smartphone, s’avérait encore être encore la première capitalisation boursière du monde durant les décennies 1970 et 80. Depuis 2005, elle n’a de cesse de racheter ses propres actions pour les détruire. Elle a ainsi détruit près de la moitié de ses actions en circulation (1,63 milliard en circulation en 2005 contre 890 millions en 2020) et s’est largement endettée pour le faire. Ce procédé fonctionnait tant bien que mal jusqu’en 2013, mais les profits de la firme ont fini par chuter passant de 16 milliards par an à 5,7 milliards en 2017 (pour un taux de profit de seulement 0,15%). Dès lors, utiliser les profits dégagés pour entretenir le cours de son action ne suffisait plus. Si bien qu’IBM s’est même retrouvée contrainte de revendre par petits morceaux les branches de son entreprise à ses concurrents[16]. Elle s’est résignée à se concentrer uniquement sur son activité générant le plus de profit : le stockage en ligne (Cloud). Depuis 2013, cette stratégie permet à l’action IBM de garder un cours plutôt stable. En revanche sa capitalisation boursière est en chute libre passant de 237 milliards de dollars à 104 milliards fin 2020, nous démontrant ainsi le caractère artificiel ainsi que les limites du procédé des OPRA. IBM, entreprise employant plus de 380 000 personnes dans le monde, se retrouve ainsi avec des fonds propres excessivement faibles (21 milliards fin 2020) au vu de son poids, une capitalisation boursière fragile et inférieure à la valeur de son capital constant ainsi qu’une dette à long terme plus qu’importante (58 milliards en 2019). Cet ancien géant historique du capitalisme américain risque ainsi de devoir déposer le bilan en cas de nouvelle crise économique.
IBM est un exemple nous révélant le moment où les contre tendances ne fonctionnent plus et où le taux de profit réel d’une entreprise finit par la rattraper. À ce moment-là, même une injection pléthorique de capital fictif rendue possible par un plan de relance économique ne suffit plus à faire repartir la machine. Malgré les 10 000 milliards perfusés par la banque centrale américaine suite à la crise du COVID, la capitalisation boursière d’IBM ne parvient pas à atteindre son niveau d’avant la pandémie.
Un processus annonciateur de crises économiques ?
Si le système des offres publiques de rachat d’action ne modifie pas en soi le taux de profit d’une entreprise, il en donne au moins l’illusion en augmentant le taux de rémunération du capital fictif. Et cette illusion s’avère parfaitement suffisante dans la plupart des situations. En effet, pour un investisseur le but est que son capital-argent placé dans des actions lui rapporte un certain pourcentage annuel. Peu importe que ce pourcentage vienne du profit réel de l’entreprise, d’une rente foncière, de placements, de l’augmentation du cours de l’action, de la vente à la découpe de cette même entreprise ou de la création monétaire générée par un plan de relance. L’important c’est que son capital-argent croisse d’année en année et qu’il perçoive dessus un intérêt suffisant. Pour l’investisseur, le taux de rendement par action d’une entreprise remplace alors son taux de profit et ce qui se cache réellement derrière ces ratios n’entre pas en ligne de compte. Dès lors, le rachat et la destruction de ses propres actions par une entreprise se présente comme une contre tendance factice, mais efficace à la baisse tendancielle du taux de profit.
Pour les entreprises cotées en bourse, lancer d’important cycles de rachats de leurs propres actions reste pour autant risqué à long terme. Elles y ont généralement recours lorsqu’investir dans le développement de l’activité de leur société est devenu moins rentable que provoquer artificiellement la croissance du cours de leur titre. Ainsi des recours massifs au rachat d’actions sont un des symptômes d’une situation de suraccumulation de capital. C’est-à-dire une situation où il n’est plus suffisamment rentable de réinvestir le bénéfice accumulé chaque année dans la production. L’entreprise est alors en quête d’autres débouchés plus rémunérateurs que la production où investir ses profits. Les marchés financiers sont généralement les seuls à même de le permettre. Si cette situation s’étend à un nombre suffisant de sociétés, le système économique peut se retrouver dans un état de saturation qui aboutit sur une crise économique majeure (cf. dernière partie de notre série : Quelles limites à ce fonctionnement insensé ?). C’est par exemple ce qu’il s’est passé à la fin des années 1960 et a débouché sur la crise de 1973.

Le rôle du taux de profit comme révélateur des limites de « l’accumulation inversée »
L’inversion de l’accumulation
La profusion de capital financier donne ainsi l’impression que le processus d’accumulation se retrouve comme inversé[16bis] (cf. Capitalisation boursière et plans de sauvetage financier). Ce ne sont plus majoritairement les profits accumulés par une entreprise, mais l’ampleur du capitaux boursiers qu’elle attire qui le lui permet d’investir et de faire croitre sa production et d’améliorer sa productivité.
Si l’achat de moyens de production à l’aide de capital-action est loin d’être un phénomène nouveau et remonte au moins à la compagnie néerlandaise des indes orientales (VOC) crée en 1602, c’est le fait que l’ensemble de l’accumulation soit déterminé par cette méthode de financement qui s’avère inédit. En effet la VOC avait principalement recours à ses propres profits et non à des recapitalisations boursières pour financer l’achat de navires et ses expéditions[17]. La profusion de création monétaire à laquelle on assiste depuis les années 1980 semble avoir amplifié un phénomène déjà présent ; jusqu’à provoquer une bascule où le capital financier a remplacé progressivement le profit comme source d’accumulation du capital productif.
Dans le cadre de l’accumulation « classique », après que des capitalistes ont investi un capital de départ pour démarrer l’activité de l’entreprise, cette dernière se développe grâce au réinvestissement de ses propres profits. Une introduction en bourse peut lui permettre ensuite de lever des fonds supplémentaires et de croitre plus vite. Dans ce cas-là, les actions qu’elle vend aux investisseurs représentent un droit sur une partie de ses profits à venir. A chaque moment, ce sont donc les profits générés qui sont la source de l’accumulation. A l’inverse, nous avons vu que dans le fonctionnement actuel des entreprises à forte capitalisation boursière, c’est cette dernière qui se trouve au centre de l’accumulation. Ainsi l’activité de l’entreprise croit grâce à ses recapitalisations boursières et ses fusions-acquisitions bien plus que grâce au réinvestissement de ses profits.
Le taux de profit se transforme en indice statistique.
En devenant la première source de financement des investissements productifs des plus importantes sociétés du monde, le capital fictif se présente dès lors comme le véritable moteur du fonctionnement économique. Dans ce système économique où le processus d’accumulation apparait comme « retourné » par la profusion de capital fictif, on s’aperçoit alors que le taux de profit n’est plus vu que comme un indicateur justifiant l’investissement dans une société.
Dès lors ce n’est plus le taux de profit réel d’une entreprise qui compte, ni même l’anticipation sur les profits futurs, mais la vérité statistique de ce profit. Qu’importe que ce profit n’ait pas de réalité tangible sous forme monétaire puisque ce n’est plus lui qui permet l’investissement et le développement de l’activité de l’entreprise. Le taux de profit se retrouve alors n’être plus qu’une ligne de compte parmi d’autres. Lignes que l’on peut tripoter avec différents stratagèmes comptables pour provoquer l’illusion de la bonne santé financière d’une société. Dans ce mirage, le taux de profit se trouve alors confondu avec le taux de rentabilité du capital, seule donnée tangible à un instant T pour l’investisseur soucieux de maximiser son retour sur investissement. Cette confusion s’incarne entre autres dans la pratique des offres publique de rachat d’actions où une entreprise se retrouve à découper les membres de son propre corps pour préserver les apparences sur la vigueur de son taux de profit.
Mais cela reste une illusion. Une illusion qui ne se maintient que tant qu’elle ne met pas en péril le fonctionnement de l’entreprise, voire de l’économie dans son ensemble. Mais cette situation finit immanquablement par arriver lorsque la capitalisation boursière ne continue pas d’augmenter en continue à un rythme suffisamment soutenu.
L’ensemble du fonctionnement économique global se retrouve alors dans une course en avant perpétuelle. Dès que la machine ralentit, elle s’enraye et menace d’exploser. Ainsi au moindre toussotement, les différentes instances étatiques de gestion de l’économie n’ont d’autre choix que de l’alimenter avec de l’argent fraichement produit lors de vastes plans de relance. Et pour le moment, cela fonctionne et la machine repart.
Mais jusqu’à quand ? En effet, rien ne certifie qu’avoir recours de manière systématique à la planche à billets pour faire repartir l’accumulation continuera de fonctionner, surtout si l’écart entre capital fictif et production de valeur continue de se creuser. Au-delà de la question de la solvabilité des Etats renfloueur que cette pratique met en jeu, il n’est pas à exclure que les campagnes de créations monétaires successives finissent par ne plus avoir l’effet escompté sur les marchés. Les marchés financiers se présentent à nous tel un diabétique de type II prenant régulièrement de l’insuline pour réguler son taux de sucre dans le sang. Au fur et à mesure il se trouve obligé d’augmenter les doses jusqu’à ce que le pancréas devienne résistant à l’insuline et que les injections n’aient plus d’effet.
Un certain nombre d’indices économiques utilisés par les analystes financiers pour déterminer les opportunités d’investissement ainsi que les probabilités de crise majeure est actuellement en train de passer au rouge et nous indique que le pire semble être à venir. Dans l’avant dernier article de notre série Profits fictifs et IA financières au royaume du capitalisme drogué, nous pénétrerons dans les mécanisme de fonctionnement de cette accumulation inversé et des profits statistiques pour en entrapercevoir les limites.
[1] Nous reprenons ainsi les sous-titres utilisés par K. Marx le capital, Livre III p.1577-1586
[2] https://www.latribune.fr/technos-medias/internet/bientot-un-bracelet-pour-surveiller-les-employes-d-amazon-767299.html
[3] https://www.usinenouvelle.com/article/amazon-utilise-des-jeux-videos-pour-booster-la-productivite-des-employes-dans-ses-entrepots.N847215
[4] https://usbeketrica.com/fr/article/chez-amazon-un-algorithme-vire-les-employes-pas-productifs
[5] https://actu.meilleurmobile.com/amazon-naura-pas-recours-a-lautomatisation-des-entrepots-avant-au-moins-10-ans_193864
[6] Karl Marx, Le capital livre I chap.X
[7] Pour plus d’information sur ce sujet, nous vous conseillons la lecture du chapitre « Patronage au paternalisme » du livre de Gerard Noiriel, État, Nation et Immigration.
[8] https://www.journaldunet.com/management/ressources-humaines/1196796-geants-de-la-tech-combien-de-temps-gardent-ils-leurs-salaries/
[9] Dans les influences contraires décrites par Marx, il est nécessaire d’ajouter à notre liste précédente : la surpopulation relative : le taux de chômage faisant baisser le coût de la force de travail. Le commerce extérieur : la mondialisation des échanges faisant baisser les coûts de main-d’œuvre et des moyens de production et… l’accroissement du capital-actions. L’ensemble de cette liste n’est pas exhaustif et l’ensemble des dynamiques ne sont pas très détaillées par Marx. Rappelons que le livre III du capital reste un travail inachevé et retravaillé posthumément par F. Engels.
[10] K. Marx le Capital livre III p.1582
[11] Rosa Luxemburg, L’accumulation du capital. Lorsque Rosa Luxemburg fait référence à ces marchés extérieurs, il est principalement question des marchés précapitalistes permettant d’écouler la production des pays des centres d’accumulation et d’y extraire un maximum de plus-value grâce à une main-d’œuvre bon marché. Il était alors question de colonialisme et d’impérialisme. Nous n’avons pas pour but ici de déterminer la pertinence ou non de cette analyse, cette question étant sujette à de nombreuses controverses au sein des milieux communistes depuis plus de 100 ans.
[12] Nous choisissons ici de reprendre le terme utilisé par Rosa Luxemburg dans un sens différent de celui où elle l’utilise. En effet, contrairement à elle, nous ne parlons pas ici de zones géographiques auparavant vierges du capitalisme, la marchandise ayant déjà conquis l’ensemble du monde depuis plusieurs décennies.
[13] Parmi elles on peut citer : Engine Yard acquise en 2008, Elastra Corp en 2009, Cluster K en 2015, Cloud 9 en 2016, E8 Storage, Cloud Endure ou encore TSO logic en 2019. https://www.frenchweb.fr/decode-ce-que-revelent-les-acquisitions-damazon-sur-sa-strategie/384678
[14] Pour comparaison la capitalisation boursière cumulée de l’ensemble des 505 sociétés regroupé dans l’indice Standard & Poor 500 atteignait en 2018 environ 24 000 milliards de dollars.
[15] Les fonds propres représentent la masse de capital constant que possède l’entreprise ainsi que les liquidités qu’elle a en caisse auxquels on soustrait ses dettes. Ainsi cela regroupe l’ensemble des capitaux apportés par les créateurs de l’entreprise, ceux dégagés par son introduction en bourse ou ses recapitalisations successives ainsi que l’ensemble des bénéfices cumulés au cours de ses multiples cycles d’accumulation qui n’ont pas été redistribués aux actionnaires. Il s’agit du critère déterminant pour indiquer la santé réelle d’une entreprise, car c’est celui qui lui permet de contracter des emprunts.
[16] Lenovo entreprise chinoise a ainsi racheté la partie fabrication d’ordinateur d’IBM en 2005 puis la fabrication de serveur en 2014. IBM a ensuite cédé une partie de ses applications à HCL Tech une entreprise indienne en 2018.
[16bis]N. Trenkle et E. Lohoff ainsi que le courant de la Wertkritik auquel ils se rattachent, décident d’utiliser le concept de « capitalisme inversé« . Si ce terme met justement en lumière l’inversion que subit le processus d’accumulation, nous pensons qu’il demeure tout de même maladroit. En effet, il ne nous semble pas qu’on puisse affirmer que le fonctionnement actuel relève d’un « autre type de capitalisme », mais seulement d’une évolution particulière du processus d’accumulation du capital permis par la profusion de capital fictif. C’est pour cette raison que nous préférons utiliser le terme d’accumulation inversée plutôt que celui de capitalisme inversé. En effet cette dynamique n’est pas nouvelle, c’est seulement l’importance et les proportions qu’elle prend dans le fonctionnement du système économique actuel qui lui donne au processus d’accumulation actuel un caractère particulier.
[17] Fernand Braudel, Civilisation matérielle, économie et capitalisme, XVe-XVIIIe siècle. Tome III Le temps du monde, Paris Armand Colin, 1979.
[…] fictifs et IA financières au royaume du capitalisme « drogué » Plongée dans le mécanisme des contre-tendances à la baisse du taux de profit chez les GAFAM […]
[…] décisions Profits fictifs et IA financières au royaume du capitalisme « drogué » Plongée dans le mécanisme des contre-tendances à la baisse du taux de profit chez les […]
[…] II utilisant pour insuline les campagnes de créations monétaires successives (Plongée dans les contre-tendances à la baisse tendancielle du taux de profit) se révèle être pertinente. En effet, au fur et à mesure, il se retrouve […]
[…] de type II utilisant pour insuline les campagnes de créations monétaires successives (https://lorage.org/2020/12/29/plongee-dans-les-contre-tendances-a-la-baisse-du-taux-de-profit/) se révèle être pertinente. En effet, au fur et à mesure, il se retrouve « obligé […]
[…] Ensuite, il existe une troisième étape à venir, probablement en 2022. Dans mes prévisions pour 2021, j’ai évoqué la possibilité qu’un krach financier puisse s’ensuivre, compte tenu de l’ampleur de la dette des entreprises et du grand nombre d’entreprises dites « zombies » qui ne réalisent même pas assez de bénéfices pour couvrir le service de leurs dettes (malgré des taux d’intérêt très bas). (Ndt Pour plus d’information sur le sujet, voir l’exemple d’IBM que nous avons dé…t). […]